Photo fournie par la famille.
Les visages de l’épidémie invisible
Mark William
Francis Wilson
Les drogues contaminées et les médicaments
contrefaits frappent des Québécois de tous les âges,
de toutes les régions et de tous les milieux.
Certains y survivent. D’autres y laissent leur peau.

Lisez notre grand reportage :
Surdoses : L'Épidémie invisible

La vie de Mark William Francis Wilson a débuté et s’est terminée par un accident.

C’est sa mère, Alexandra Wilson, qui présente les choses ainsi. En juillet 1992, Mme Willson part camper avec celui qui deviendra le père de Mark en oubliant ses pilules anticonceptionnelles.

Vingt-sept ans plus tard, Mark meurt seul dans son appartement de Québec, d’une intoxication au fentanyl.

Entre les deux évènements s’étale la vie d’un être complexe, timide, qui avait de la difficulté à accepter qui il était.

« Mon fils voulait être comme tout le monde, il voulait disparaître dans la foule », dit sa mère.

De sa coquette maison d’Ottawa, Mme Willson raconte l’histoire de son fils. Une histoire bouleversante, qui fait voler en éclats l’idée que les jeunes hommes victimes de surdoses sont tous des personnes impulsives animées par un désir de marginalité.

Parce que dès son jeune âge, Mark est exactement l’inverse.

« Il n’était vraiment, mais vraiment pas un preneur de risques. Il est monté une fois sur une planche à roulettes, s’est cassé un bras et n’a jamais réessayé », illustre sa mère.

Mark est plutôt poussé par un désir maladif de conformisme. C’est ce qui pousse le garçon, d’abord élevé en anglais, à rejeter sa langue maternelle lorsqu’il commence à fréquenter une prématernelle francophone d’Ottawa. Au point de complètement oublier son anglais.

« Il ne voulait pas ressortir du lot », explique sa mère.

Adolescent, Mark affiche des valeurs qui entrent en contradiction avec celles, libérales, de sa mère.

« Mon fils n’était pas juste conservateur : il était réactionnaire », dit Mme Willson.

Il tient des propos homophobes – un signe que sa mère ne comprendra que lorsque Mark sortira lui-même du placard, à 25 ans.

« C’est l’un de mes grands regrets de n’avoir pas reconnu qu’il était homosexuel. Parce que c’est classique – les homosexuels sont souvent les plus homophobes », dit aujourd’hui Mme Willson.

Évidemment, pour un jeune homme obsédé par l’idée d’être comme tout le monde, être gai est inconcevable.

Mark se prend bientôt d’une étrange passion pour les intellectuels français de droite. Il idéalise la France d’avant le XVIIIe siècle, où les normes sociales étaient rigides et où les parents décidaient qui leurs enfants épousaient.

« Mark aurait voulu habiter une telle société parce que le problème de comment choisir une fille, une femme, aurait été réglé pour lui », croit sa mère. Mark rêvait en effet d’avoir une copine pour correspondre à la norme de la majorité, mais ne savait comment aborder les femmes.

Mark William Francis Wilson
Photo Martin Chamberland, La Presse
Alexandra Wilson raconte l’histoire de son fils. Une histoire bouleversante, qui fait voler en éclats l’idée que les jeunes hommes victimes de surdoses sont tous des personnes impulsives animées par un désir de marginalité.
Une « révélation » due au LSD

Alexandra Wilson ignore exactement comment et pourquoi son fils s’est initié aux drogues. Peut-être pour atténuer ce mal de vivre qui ne le quittait pas et qui l’a conduit à des diagnostics de phobie sociale et de dépression ?

C’est lorsqu’il lui dévoile son homosexualité, au cours d’un repas au restaurant, que Mme Willson entend son fils parler de drogues pour la première fois. Mark lui annonce en effet avoir découvert sa véritable orientation sexuelle… grâce à une « révélation » survenue sous l’influence du LSD !

Alexandra Wilson éprouve alors une immense joie de voir son fils comprendre finalement qui il est… mêlée d’une intense surprise.

« Je lui ai dit : du LSD ? Toi ? », raconte Mme Willson, encore stupéfaite.

À l’époque, Mark étudie en droit à l’Université Laval. Peu de temps après, il fait une tentative de suicide par intoxication à la cocaïne. Mais ça, ses proches ne l’apprendront qu’après sa mort.

À Québec, Mark commencer à fréquenter une femme trans – une façon, analyse sa mère, de projeter l’image d’un homme qui sort avec une femme tout en vivant son homosexualité.

Les derniers mois de la vie de Mark sont chaotiques. Il sauve son amoureuse d’une surdose d’héroïne coupée de fentanyl. Une nuit, un homme encagoulé s’introduit chez lui après avoir lancé une pierre dans sa fenêtre. Sa mère se demande aujourd’hui s’il s’agissait d’un revendeur qui voulait son argent.

Ses propriétaires, excédés, lui demandent de quitter l’appartement. Mark doit déménager.

Le 2 août 2019, le jeune homme est trouvé mort sur son sofa. De la cocaïne, de la méthamphétamine et du fentanyl sont détectés dans son sang.

Il a 26 ans.